A propos de l’IRM
Les observations météorologiques de l'Ancien Régime : de la simple description à la quantification des phénomènes
Bien avant la création de l'Institut royal météorologique de Belgique, des observations météorologiques étaient déjà effectuées dans nos régions. Ces observations étaient destinées à l'agriculture et au monde médical pour, par exemple, chercher un lien entre les maladies et le temps et le climat. Malheureusement, très peu de ces observations ont été conservées. Ce que l'on retrouve dans les diverses publications se limite le plus souvent aux extrêmes mensuels ou annuels, avec ici ou là quelques observations de la température quand un hiver était exceptionnel.
Cette chronique ne prétend donc pas être exhaustive. Il s'agit plutôt d'un aperçu limité de ce qui se faisait à l'époque en Belgique dans le domaine de la météorologie. Vous y trouverez des observations météorologiques et quelques épisodes climatologiques marquants.
L'histoire de l'Ancien Régime est un florilège dephénomènes météorologiquesremarquables pour lesquels le néerlandais ou le français de l’époque ont été maintenus autant que possible.
1530
Le 5 novembre 1530, une grosse tempête occasionne de nombreuses brèches dans les digues dans les Flandres et une grande inondation a lieu.
“Le 5 novembre, se déclara une tempête terrible vers 9 heures du matin, et se prolongea jusque 5 heures de l’après-midi, suivie d’une infinité de catastrophes. La digue près de Dixmude se rompit ce qui inonda presque toute la région. Entre Anvers et Bergen-op-Zoom des villages entiers furent inondés, et beaucoup de gens et de bêtes se noyèrent, si la hauteur avait été une demie paume de la main plus haute, la moitié des Flandres aurait été inondée.” (texte original en vieux néerlandais).
“Vijf November nooyt dier ghelijcke Ghinck dwater over alle dijcke.” (traduction littérale) "Le 5 novembre jamais égalé, l’eau coula au-delà de toutes les digues"
1564-1565
“L'hiver 1564-1565 fut le plus glacial de mémoire d'homme. Il gela pendant dix semaines depuis la veille de Noël jusqu'à la fête des Rois de sorte que l'on put traverser l'Escaut à pied sur la glace et y installer des tentes et des baraques où l’on vendait des mets, des boissons et toutes sortes de marchandises”.
Extrait de “Incarnatie van die felle vorst de anno xve Lxiiii”.
Men sach cleenen Gille gaen over het bierhooft,
C louckelyk om ghelt winnen den tweeden Crisdach
C orts den derden ghingender op cleen en groot
C ooplieden droncken opt schelde groot ghelach
C reemers men daer huerlieder goet oock vercoopen zach,
C oucxkens worstkins bastart ende romenien
L iefvelicken men daer at en dranck zonder ghelach
V an smorghens vrouch tot savons sach men daer lyen
V enus Camenierkens die den sin verblyen
J onckers ende Jonckvrauwen sach men up schelde gaen
I nt aensien dochtet my al vol melodyen
J a wel dacht Ic zal deze merct blyven staen
J anuario den achtsten was tgaen gehedaen.
Les lettres en début de chaque vers de ce chronogramme constituent une suite qui en chiffres romains compose l'année 1564. En additionnant les valeurs, on trouve l’année de l’événement (M+5xC+L+2xV+J+I+2xJ = 1000+5x100+50+2x5+1+1+2x1= 1564).
1572 - 1577
Cornelius Gemma (1535-1578) est médecin, astronome, astrologue et professeur de sciences médicales à Louvain.
Le 9 novembre 1572, il découvre une nouvelle étoile brillante dans la constellation de Cassiopée. Il la baptise “la Nouvelle Vénus”.
Un astronome danois, Tycho Brahe (1546-1601), observe également cette nouvelle étoile, deux jours plus tard depuis l'île Hven dans le Sund. Cette nouvelle étoile s'appellera par la suite supernova SN 1572.
Gemma identifie, également en même temps que l'astronome danois, la Grande Comète de 1577 et la décrira comme sur-lunaire, c'est-à-dire plus lointaine que la Lune.
1604-1618
Johannes Kepler (1571-1630) découvre en octobre 1604 la supernova SN 1604 dans la Voie lactée.
En 1619, Erycius Puteanus [Eric de Put] (1574 – 1646), humaniste et professeur à Louvain, rédige un ouvrage sur la comète de 1618, intitulé “De Cometa anni 1618 novo Mundi Spectaculo”.
Les découvertes des supernovas SN 1572 et SN 1604 ainsi que celles des comètes de 1577 et 1618 sont importantes parce qu'elles remettent en question la théorie dominante du philosophe grec Aristote exprimée dans “Meteorologica”. Il postulait que le monde au-delà de la Lune et des planètes devait être immuable.
1606
Le lundi de Pâques 1606, une tempête violente souffle sur nos régions. Il en sera créé le chronogramme latin “oMnIa CaDU" qui signifie “tout tombe”. En additionnant les valeurs des lettres en chiffres romains, on trouve l'année 1606.
"Is op [Tweede] Paaschdag door het geheele Land schrikkelyke stormwinden geweest, die veele schaden aen Kerken, Huizen en Boomen gedaen heeft." (traduction littérale) : “Il y a eu, le lundi de Pâques, à travers tout le pays, des vents de tempête qui occasionnèrent beaucoup de dégâts aux églises, maisons et arbres."
1616
Le jésuite Charles Malapert (1581- 1630) publie son recueil de poèmes “Poemata” en deux volumes chez Plantin-Moretus à Anvers. Dans le premier volume, il traite de la tempête violente du lundi de Pâques 1606 tandis que le second volume contient deux poèmes sur les vents (“De Ventis”).
1627
Libert Froidmont (Fromondus) (1587-1653) publie son ouvrage “Meteorologicorum Libri Sex” en 1627 chez Plantin-Moretus à Anvers.
1647
L'astronome flamand, Govaert Wendelen (1580-1667), aussi appelé Godefroid Wendelin ou Vendelinus, observe une pluie pourpre à Bruxelles en 1646. En 1608, il avait déjà observé pareil phénomène àForcalquier (Alpes de Haute-Provence, France). Il publie ces observations dans un petit ouvrage intitulé : “Pluvia purpurea Bruxellensis, Parisiis, Ludovicus de Heuqueville, M.DC.XLVII”.
Vers 1648
Le philosophe de la nature, Johannes Baptista Van Helmont (1579-1644) apporte sa contribution au concept de "méthodologie expérimentale” en recherche scientifique.
Il est le premier à utiliser le mot “gaz”, un dérivé du mot grec “chaos”.
Il mène également des expériences au moyen d'un thermoscope (un ancêtre du thermomètre).
Son travail “Ortus medicinae” est publié à Amsterdam en 1648.
1670
Le jésuite flamand Ferdinand Verbiest (1623-1688) construit un thermoscope à Pékin. Il offre ce précurseur du thermomètre à l'Empereur K’ang-si.
L'ouvrage de Verbiest “Astronomia Europea” est publié en 1687 à Dillingen en Allemagne. Le dessin de ses instruments, l'hygroscope et le thermoscope, y sont publiés dans le chapitre consacré à la météorologie.
En 1670, l'Escaut gèle à Anvers de sorte que l'on peut traverser le fleuve à pied, de la nouvelle année jusqu'au 15 mars 1670. Des jeux populaires y sont même organisés dans de petites aubettes.
A° 1670 vroós den gezegden op-en-af-vloeyenden Stroom toe op vier dagen; waer men dit Jaerschrift: ’t sCheLD beVrIest In Den tYt Van VIer Dagen.
Le chronogramme conduit à l'année 1670.
Plaisirs d'hiver, du 2 au 17 janvier 1670, sur l'Escaut à Anvers. On y voit des tentes sur la glace, des patineurs, des luges, des funambules...En haut, dans la cartouche, on peut voir un chronogramme pour l'année 1670: "Iaer-schrift. De sCheLDe toegekorst op VIer IanVaer heeft ontDoeIIt op seVenthIen" En-dessous, une légende est reprise en trois colonnes. Gaspar Bouttats - Rijksmuseum Amsterdam.
1675-1715
La période 1675-1715 tombe en plein dans les années les plus froides du Petit Age Glaciaire ( = “Little Ice Age (LIA)” ).
De plus, cette période coïncide avec le minimum de Maunder (1645-1715) relatif à l'activité solaire.
La combinaison de ces deux événements est caractérisée par des températures considérablement inférieures aux températures moyennes globales.
L'hiver 1684 est terriblement froid en Belgique. Les mois de janvier 1698 et de janvier 1709 sont également particulièrement froids.
1703
Les 7 et 8 décembre 1703, une tempête sévère souffle depuis le Sud de l'Angleterre et le Nord de la France. Elle souffle sur la Manche en direction des Flandres, des Pays-Bas, du Nord de l'Allemagne, du Danemark et de la mer Baltique.
La "London Gazette" lance une appel à témoignages auprès de la population. L'écrivain anglais Daniel Defoe (1660-1731) relate ces récits dans un ouvrage sur la tempête. Le vicaire Guillaume Van der Meulen (1737-1809) de Roesbrugge note dans son manuscrit que les tuiles arrachées et cassées pavent les rues à Ypres.
Si la grande tempête de 1703 vous intéresse, vous trouverez des informations détaillées dans les documentations suivantes:
De "Grote Storm van december 1703" in de Lage Landen - een stormachtige periode in de Spaanse Successieoorlog
De vergeten windstorm van december 1703 in continentaal Europa
Le Liégeois Laurent Gobart (1658-1750) publie son “Tractatus philosophicus de barométro” en 1703 à Amsterdam.
1709
La toute première observation météorologique connue réalisée à l'aide d'un instrument est faite en Belgique au cours de l'hiver particulièrement froid de 1708-1709:
“De koude startte gevoeld te worden de dag voor Driekoningen ... De Maas vroor dicht tot een diepte van 5 [Parijse] voet [of 1,62 m]. Le thermomètre de Réaumur affiche 15 degrés et un quart [soit -19°C].”
On ne sait pas clairement s'il s'agit de réelles observations ou d'estimations réalisées par après en comparaison avec d'autres hivers très froids du 18è siècle.
“Den vyfden Januarii des nachts heeft het soo gruwelyck beginnen te vriesen dat, op dry dagen tyts, de Schelde is toegevrosen, welcke vorst soo furieuselyck ende met soo groote koude continueert …”
"In 1709 was de koude onverdraegelyk, en men maekte dit Jaer-schrift: FrIgUs oCCIDIt hoMInes"
Traduction de la dernière phrase de ce chronogramme latin: "le froid tue les hommes".
1710
Les premières observations de la déclinaison magnétique connues avec certitude sur notre territoire datent de juin 1710.
Elles ont été faites par le père Godefridus (Jan Balthazar) Bouvaert(1685-1770) dans le jardin de l'abbaye de Saint-Bernard au bord de l'Escaut à Hemiksem.
1721-1722
Michael De Febure, un aumônier marin gantois, réalise une série de mesures des températures en mer au cours de son voyage sur le bateau ‘Sint Pieter’ de la Compagnie Ostendaise. Il se dirige vers la côte de Coromandel et vers Goa et Soerat aux Indes. Ces mesures uniques en leur genre n'ont malheureusement pas été réalisées avec une échelle définie.
1724
En mars 1724, il pleut tellement fort que la Sennesort de son lit àBruxelles.
“Door de menigvuldige Regen is de Rivier welke hier door loopt zoodanig gezwollen, dat die gisteren overgelopen, en in de laagte van deze Stad, de Straaten wel 3 voeten hoog onder Water heeft gezet.” Traduction : “Suite aux pluies abondantes la rivière qui passe ici est tellement gonflée qu’elle déborda hier et inonda les rues dans les bas quartiers de cette ville d’au moins 3 pieds.”
1735
Dans la nuit du 19 janvier 1735, une forte tempête sévit sur Lille (France), sur le Sud de l'Angleterre et sur nos régions.
Le haut clocher pointu de l'église Saint-Michel à Roulers est arraché.
"…vanden thooren vande kercke waer van de schoone en hooghe naille is afgeworpen op den 19den january 1735 corts naer twee uren door eenen grauwsaemen orcaen ende daer door oock het noortoostersche torreken met een deel vande gallerije ende eene groote bresse inden thooren ten noordoosten." “ … de la tour de l’église dont l’aiguille belle et haute a été jetée en bas le 19 novembre 1735 tout juste après deux heures par un horrible ouragan et aussi la tourelle du nord-est avec une partie de la galerie et une grande brèche dans la tour nord-est.”
1736-1783
Le Liégeois Jean Motte (1719-1791), appelé aussi Fallize ou Falisse, est connu comme étant la toute première personne à effectuer des observations météorologiques en Belgique. De toutes les observations météorologiques qu'il a effectuées de 1736 à 1783, il ne reste malheureusement que quelques valeurs extrêmes de la température et de la pression atmosphérique.
1739-1740
L'hiver 1739-1740est l'un des plus froids de tout le 18è siècle. Dès la fin octobre 1739, il commence à geler. Le gel perdure tout le mois de novembre. Le mois de décembre est un peu plus chaud, mais le gel refait son apparition en janvier 1740.
“In het beginsel van het jaer 1740, daegs voor dry Koningen-dag is alhier te lande eene seer felle koude opgestaen, de welcke duerde tot in de maendt van April daer naer, soodaenigh dat de Vruchten der aerde ten meerderendeele bevrosen waeren: men versekert selfs dat dese koude grooter is geweest als de gene van het jaer 1709.”
“Er heerste grote nood en nijpende armoede. De levensmiddelen stegen tot zeer hoge prijzen.”
“Den 2 mey 1740 was ’t soodanig gesneuwt dat g’heel de aerde was bedekt.” “Le 2 mai 1740 il neigea tellement que la terre fut entièrement couverte.”
1744-1759
Originaire d’Asse, Joseph Adam Braun (env. 1712-1768) déménage à Saint-Pétersbourg en Russie. En 1744, il entame alors une série d'observations météorologiques. En 1759, il effectue des expériences sur la coagulation du mercure à basse température.
1755
Le jour de la Toussaint 1755, juste avant 10 heures du matin, la terre commence à trembler au Portugal. C'est le Grand Tremblement de Terre de Lisbonne (GTL). Le tremblement de terre destructeur provoque un énorme incendie à Lisbonne et est suivi d'un tsunami qui est observé également à Nieuport. Le tremblement de terre est également légèrement ressenti à la Marlagne dans le Condroz et dans la région de Spa.
Aux Pays-Bas ainsi qu'à d'autres nombreux endroits en Europe, des séismes sous-marins (seiches) sont observés.
1762-1763
Il règne un grand froid tenace en décembre 1762 et en janvier 1763.
L’Escaut gèle à Anvers jusqu’à Hoboken et Kruibeke le 2 janvier 1763. On peut traverser le fleuve à pied à partir du 5 janvier, même à cheval de trait et en charrette.
“... de vorst nam van dag tot dag toe, op een wyze, dat het vogt in de Thermometers binnen de Huizen slegts 8 en buiten de Huizen nauwlyks 4 grad hoger stond dan in den Jare 1740.”
Dans le journal “De Gazette van Ghendt”, on compare les mesures de la température réalisées à l'aide de deux thermomètres différents: un datant de décembre 1762 et un autre de 1740.
“Antwerpen den 23 Januari 1763. Alhoewel dat gedurende dezen bij de vijf weken aenhoudende grooten vorst tot hier toe zonder sneeuw en doorgaens met zonneschijn, op zeker wel wijzende weerglas, of Thermometre, nagespeurt is geweest, dat de koude in de leste dagen van December gestiet zij op den 47. Graed, daer de zelve op den gemelden Thermometre ten Jaere 1740 gestiet is geweest op den 39. Graed.”
Les deux extraits démontrent des observations très anciennes de la température tant à Gand qu'à Anvers.
Il est assez dommage que l'on n'en sache pas plus à propos de ces observations.
1763
Jean-Baptiste Chevalier (1722-1801), un astronome portugais, est le plus souvent désigné comme étant vraiment la première personne à avoir effectué des observations météorologiques en Belgique. Il a pu s’établir au palais du Comte d’Arenberg (l’actuel palais d’Egmont) où, très probablement, il a pu réaliser ses observations météorologiques dans les jardins. Les extrêmes annuels de ces observations ont été publiés dans la première partie des "Mémoires" de l’Académie de Bruxelles.
1766
En 1766, Eugène d'Olmen, Baron de Poederlée (1742-1813), agro-météorologue et dendrologue entame des observations météorologiques à Bruxelles et à Saintes.
Il publie régulièrement ses observations dans différentes revues et journaux.
La Bibliothèque Royale, l'Albertine, possède un manuscrit du Baron de Poederlée reprenant les observations météorologiques journalières de janvier 1785 à décembre 1787.
1767
Guillaume-Lambert Godart (1717-1794), médecin à Verviers, entame le 1er janvier 1767 une série d'observations météorologiques journalières. Cette longue série s'interrompt quelque temps avant son décès, en février 1794.
Chaque matin, il relève la température, la pression atmosphérique, la direction du vent et le type de temps.
C'est la seule longue série connue d'observations climatologiques journalières, avant celle de Quetelet au 19è siècle.
Cette série est reprise dans le recueil des observations belges "Central Belgian Temperatuur (CBT)".
Les observations météorologiques du mois de janvier 1775 relevées par Guillaume-Lambert Godart (1717-1794) à Verviers. De haut en bas: janvier 1775, jours, baromètre, thermomètre, direction du vent et type de temps du matin et de l'après-midi.
1768
Il règne un froid intense sur les Pays-Bas au cours des premiers jours de janvier 1768.
A Namur, le thermomètre indique -13.5°R (Réaumur) soit -16.9°C (Celsius).
1771-1772
L'hiver 1771-1772 est particulièrement froid. En janvier 1772, il tombe énormément de neige.
Comme de coutume, un tel paquet de neige invite à créer des bonhommes de neige et des pamphlets sont écrits. Les étudiants de l'"Académie royale de dessin" d'Anvers participent avec beaucoup d'enthousiasme à un concours et la ville voit apparaître un peu partout dans ses rues quantité de statues en neige. Le comte Eugène Jean Baptiste de Robiano (1745-1821) est l'un des organisateurs du concours. En 1773, il édite un livre reprenant les dessins des statues en neige que les différents artistes et étudiants de l'Académie avaient réalisés.
Le poète anversois Johannes Antonius Franciscus Pauwels (1747-1823) écrit “BerIgt, Van ConstIg-geMaeCkte sneeUWe beeLDen” (on retrouve l'année 1772 dans le titre).
1772
L'impératrice Marie-Thérèse accorde le 16 décembre 1772 ses "Lettres patentes" (ce qui correspond à un décret) pour la fondation de l'"Académie impériale et royale de Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles". Le but est de remplacer la "Société Littéraire de Bruxelles" et de donner une forme plus stable et légale à l'Académie dans le but d'éveiller l'intérêt pour l'étude des sciences et de la littérature.
L'Académie publie cinq parties de ses "Mémoires", parmi lesquelles nous pouvons retrouver des extraits d'observations météorologiques instrumentales de nos régions.
Edward Pigot (1753-1825), un astronome anglais, et Théodore-Augustin Mann (1735-1809) effectuent des observations de la déclinaison magnétique à Ostende et Nieuport.
1773
Une inondation touche la ville d'Anvers:
“Na middernagt van 15 tot 16 november [1773] was het alhier seer grooten watervloed, soo dat de nederstad wird overstroomt tot na de opperstad toe, door de opbortelingen der onderaerdsche waterleydingen, tot soo verre, dat het water, indringende langs de voren en sijde deuren der cathedrale kerke, den middelbeuk tot voor het oxaal van de choor, eenige palmen diep onderwater stond, waerdoor verscheyde serken opgeligt, den vloer hier en daer weggespoelt en ingezonken zijn.”
1775
Des extraits des observations météorologiques effectuées par Théodore-Augustin Mann, prieur du couvent des Chartreux à Nieuport, de mai 1775 à mars 1776, sont publiés dans les Mémoires de l'Académie.
Dernièrement, le manuscrit de ses observations météorologiques journalières a été retrouvé. Il couvre la période d'octobre 1775 à avril 1777, et contient des données détaillées sur l'hiver extrêmement froid de 1776.
Vous pouvez voir ci-dessus les observations météorologiques effectuées à Nieuport par Théodore-Augustin Mann au couvent anglais des Chartreuses.
En haut à gauche de la page de titre, on peut lire: "Lu à la séance du 2 avril 1776" de l'Académie de Bruxelles. A droite, les observations météorologiques journalières d'avril 1777.
1776
Fin janvier 1776, il fait extrêmement froid et les températures minimales mesurées sont particulièrement basses:
- Bruxelles, 28 janvier 1776, par Chevalier: -6°F (-21,1 °C) et par le Baron de Poederlée: -16 ° à -17 °R (-20 ° à -21,25 °C);
- Louvain, 1er février 1776, par de Marcy: -16 °R (-20 °C);
- Tournai, 28 janvier 1776: -17 °R (-21,25 °C);
- Namur: -14,5 °R (-18,1 °C).
"Gelée forte, qui ferma tellement la Meuse (à Namur), qu'on la traversa pendant plusieurs jours sur la glace".
“Oostende, 31 January, 1776. Den aenhoudenden strengen Vorst heeft onze Haeve niet alleen onbruykbaer gemaekt voor de schipvaert; maer het Ys, op onze Rheede by een gerot zynde, belet zelfs aen alle de Schepen den Ingang, die meest gesloten is, te naderen. Twee onzer Vissers-Schuyten zitten in het midden van het Ys vast, zonder dat men hun kan ter hulpe komen; by middel van de Lonck-buyzen ziet men hun geduerig arbyden, om daer door te geraeken.”
1779
Hubert (dit Noël) Retz (probablement né en 1758-1810), médecin d'Arras (France), remporte en 1778 le prix d'une question sur le climat de nos régions posée par l'Académie de Bruxelles.
Sur base de très peu de données sur les régions environnantes, Retz tire la conclusion suivante:
"Il est donc déterminé que la température la plus ordinaire des saisons aux Pays-Bas, est variable, froide et humide."
1780-1806
Guillaume Van der Meulen (1737-1809), vicaire à Roesbrugge le long de l'Yzer, s'intéresse à l'histoire des Flandres, à l'astronomie et à la météorologie.
Il entame une série d'observations météorologiques non instrumentales, avant d'effectuer ses relevés à l'aide d'instruments.
Adolphe Quetelet, qui deviendra plus tard le directeur de l'Observatoire royal de Belgique, connaît l'existence des ces observations mais ne leur attribue que peu de valeur scientifique et les manuscrits ne seront pas conservés.
Les extrêmes de la période 1780-1806 et les situations atmosphériques annuelles sont enregistrées dans le manuscrit de Schamp (voir plus loin). La façon dont les données de Guillaume Van der Meulen aboutirent dans le manuscrit de Schamp reste encore un mystère!
1780-1781
Le Grand Electeur Palatin Charles Théodore (1724-1799) fonde la "Societas meteorologica palatina" à Mannheim.
Le but de cette organisation est d'effectuer des observations météorologiques, chaque jour à la même heure, partout dans le monde et à l'aide des mêmes instruments développés par l'organisation elle-même.
La direction du projet est confiée à Johann Jacob Hemmer (1733-1790). Les résultats de ces observations sont publiés dans la douzaine de séries des "Ephemerides Societatis meteorologicae palatinae, Manheimi, 1783-1795".
Le 19 février 1781, la société météorologique Palatine propose une collaboration à l'Académie de Bruxelles. Cette dernière ne recevra les instruments nécessaires qu'à l'été 1782.
Le projet est définitivement arrêté en 1795 lorsque les troupes révolutionnaires françaises envahissent Mannheim et le château du Grand Electeur.
Un déclinatoire est un instrument qui mesure la direction du champ magnétique.
Les observations pour le compte de la société météorologique palatine ont été effectuées par Jean-Baptiste Chevalier de 1782 à 1783, et par Théodore-Augustin Mann de 1784 jusqu'au 8 novembre 1792.
Malgré cette belle série de données bruxelloises, bien des questions restent ouvertes quant à l'observateur, le lieu où les observations ont été faites et le type d'instrument utilisé.
En 1819, Heinrich Wilhelm Brandes (1777-1834), professeur de sciences naturelles à l'université de Breslau (Wroclaw, Pologne), propose dans un court article paru dans les "Annalen der Physik" de dessiner des cartes journalières du temps sur base des données de la société météorologique palatine pour l'année 1783.
1783
En 1783, Edige Lucas Guillaume Schamp-de Romrée (1764-1834) entame une longue série d'observations à Gand.
Un aperçu de ces observations est conservé dans un manuscrit qui se trouve à la Bibliothèque royale de Belgique.
Le manuscrit comprend aussi une classification des températures des hivers et des étés pour la période 1791-1830, ce qui est nouveau pour cette époque.
Les observations journalières sont relevées par degré, sous forme codée, dans les notes de Schamp.
Malheureusement, ses carnets n'ont pas tous été conservés. Il ne faut cependant pas sous-estimer l'intérêt des observations météorologiques de Schamp car elles constituent une très longue série sans données manquantes, contrairement à la plupart des séries qui existent.
Le 8 juin 1783, le volcan Lakagigar entre en éruption en Islande. Cette éruption dure jusqu'en février 1784 et entraîne rapidement une couverture de tout l'hémisphère Nord par une "brume sèche".
En 1783, l'été en Europe occidentale est très chaud et marqué par de violents orages, du tonnerre et de la foudre. Le Baron de Poederlée, agro-météorologiste, en donne une description détaillée. En Islande, un cinquième de la population sera décimée suite à l'éruption volcanique.
Les frères Joseph et Jacques Montgolfier sont les premiers à réaliser un vol en ballon à air chaud sans équipage. Cet événement a lieu le 4 juin 1783 à Annoncay.
Le 19 septembre 1783, un ballon transporte un mouton, un coq et un canard au-dessus de Versailles.
Pendant le premier vol en ballon avec équipage, le 21 novembre 1783, le physicien Jean-François Pilâtre de Rozier et le marquis François-Laurent d'Arlandes partent pour un vol libre.
Lors des vols précédents, le ballon était toujours rattaché au sol par une corde.
Les hommes font leurs premiers pas à la conquête de l'espace.
Le 19 janvier 1784 à Lyon, le Prince Charles-Joseph de Ligne (1735-1814) est le premier Belge à s'envoler à bord du ballon "La Fréselle".
En 1783-1784, Louis-Engelbert, Comte d'Arenberg (1750-1820), fait réaliser desexpériences dans son château d'Heverlee pour déterminer le meilleur gaz à utiliser pour un ballon.
C'est le Limbourgeois Jan Pieter Minckeleers (1748-1824), professeur à l'université de Louvain, qui propose le gaz d'éclairage.
Le météorologue bruxellois Théodore-Augustin Mann dénigre cette "ballonmania" et il faut attendre la fin du 19è siècle pour que l'Observatoire royal de Belgique reconnaisse les aspects scientifiques des ballons et leur usage en aérologie.
1783-1784
L'hiver 1783-1784 est particulièrement froid et la couche de neige est épaisse.
En Belgique et dans toute l'Europe occidentale, les rivières et les canaux sont gelés de décembre 1783 à février 1784 inclus.
Les 30 et 31 décembre 1783, les températures minimales suivantes sont enregistrées en Belgique:
- Tournai, par de Witry: -13 °R (-16,3 °C);
- Bruxelles, par Théodore-Augustin Mann: -13 °R (-16,3 °C);
- Verviers, par G.-L. Godart: -24,4 °C;
- Liège, par de Feller (?): -22,5 °C;
- Theux, par de Limbourg: -23,8 °C;
- Bruxelles, par de Poederlée: -17,5 °C;
- Anvers: -13,8 °C.
Du fait d'un dégel soudain en février 1784, des inondations affectent beaucoup de villes et de régions.
Benjamin Franklin (1706-1790), l'ambassadeur américain à Paris, ainsi que le naturaliste français Jacques Antoine Mourgue de Montredon (1734-1818) attribuent ces grands froids à l'éruption volcanique du Lakagigar en Islande.
1788
Le 13 juillet 1788, une terrible tempête s'abat sur la Touraine, la région d'Orléans, l'Île-de-France, la Picardie, l'Artois, les Flandres et les Pays-Bas pour s'abattre finalement sur la mer du Nord.
Cette tempête ressemble à une tornade et est accompagnée de grêle qui détruit les récoltes.
En Belgique, ce sont principalement les régions de Tournai, Courtrai, Audenarde et Bruges qui sont touchées mais la tempête est également ressentie à Bruxelles, Malines et Anvers.
Selon certains historiens du climat, la pénurie de pain de 1788-1789 en France qui sera suivie de peu par la Révolution française serait due partiellement à ces événements météorologiques extrêmes.
L'hiver 1788 est très froid.
Le 30 ou le 31 décembre1788, les températures minimales enregistrées en Belgique sont les suivantes:
- Tournai, par de Witry: -17,0 °R (-21,25 °C);
- Bouillon, par un observateur anonyme: -18,2 °R (-22,75 °C);
- Bruxelles: -16,0 °R (-20,0 °C).
"Van 16 Decembris 1788 tot by den avond liep men over den vastgeronnen Vloed (Schelde): naer dat den Vorst begonst hadde van Sinte Catharina-dag (25 november), welken duerde (2 à 3 dagen uytgenomen) tot Koningen (6 januari) toe: alswanneer men, bezonder den VII, van Januarius en de volgende dagen 1789, voor de Kraen zag men alle soorten van Menschen over-en-weder gaen: met verscheyde zeldzaemheden, aldaer voorgevallen."
" 't sCheLDVerVrIest bYDe WerVe Van ConIngen-aVonD"
Le chronogramme composé par le poète anversois Joannes Antonius Franciscus Pauwels (1747-1823) reconstitue l'année 1789.
1789: fin de l'Ancien Régime
L'Académie de Bruxelles arrête ses activités à cause de la situation politique mouvementée de nos régions:
laRévolution Française de 1789, le soulèvement brabançon en 1789 et 1790, la première Restauration Autrichienne en 1790, la première invasion française en 1792, la seconde Restauration Autrichienne en 1793 et la seconde invasion française en 1794.
Ce n'est qu'en 1816, sous Guillaume Ier des Pays-Bas, que l'Académie reprendra ses activités.
Quelques références
Buisman, J. (1995-2000) "Duizend jaar weer, wind en water in de Lage Landen". Onder redactie van A.F.V. van Engelen, Koninklijk Nederlands Meteorologisch Instituut. Deel I, tot 1300; Deel II, 1300-1450; Deel III, 1450-1575; Deel IV, 1575-1675; Deel V, 1675-1750. Editions Van Wijnen, Franeker.
Demarée, G.R., Lachaert, P.-J., Verhoeve, T. & Thoen, E. (2002) 'TheLong-term daily Central Belgium Temperature (CBT) series (1767-1998) and early instrumental meteorological Observations in Belgium'. Climatic Change, 53, p. 269-293.
Dufour, L. (1947) 'L'oeuvre météorologique de T.-A. Mann (1735-1809)'. Dans: Notes pour servir à l'Histoire de la Météorologie en Belgique, Institut Royal Météorologique de Belgique, Miscellanées, Fasc. XXIX, p. 1-17.
Dufour, L. (1950) 'Esquisse d'une Histoire de la Météorologie en Belgique'. Institut Royal Météorologique de Belgique, Miscellanées, Fasc. XL, 55 p.
Mailly, Ed. (1883) 'Histoire de l'Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles'. Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l'Académie royale, coll. in-8°, t. XXIV et XXV.
Quetelet, A. (1834) 'Aperçu historique des observations de météorologie faites en Belgique jusqu'à ce jour'. Annales de l'Observatoire royal de Belgique, I, première partie, p. 1-72; Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, VIII, Hayez, Bruxelles, 72 p.